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La thérapie de Chellamal : l'humiliation répétée

Myriam Ott
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Histoires de thérapie
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17/2/2021

Chellamal est une jeune femme de 28 ans d’origine tamoule. Elle consulte parce que son compagnon lui a avoué avoir fréquenté une prostituée. Elle se sent trahie, humiliée. Elle est très en colère. Elle essaie de lui pardonner mais le temps et les discussions n’ont pas eu raison de son sentiment de trahison.

Ce sentiment va réveiller une souffrance enfouie : Chellamal doute de son identité. Très vite, elle exprime en séance que si son compagnon est attiré par une prostituée c’est qu’elle aurait quelque chose de commun avec la prostituée.

La trahison de son compagnon ravive une trahison plus ancienne, de son père, faisant d’elle une jeune fille indigne et impure que serait la femme tamoule représentée par sa mère. C’est comme si son histoire se répétait et venait la condamner à sa condition de femme objet de l’homme.

Chellamal est la cadette d’une fratrie de 4 filles, elle aurait du être un garçon. Enfant, elle idolâtre son père et ressent du mépris pour sa mère. La mère est humiliée par le père elle n’a pas le droit de partager les repas, elle est au service de la famille. Le père est infidèle il fréquente une femme occidentale qu’il valorise et ne respecte pas sa femme parce qu’elle est soi-disant folle et idiote.

Chellamal ne communique pas avec sa mère, elle adopte les attitudes d’humiliations du père, il arrive à son père de violenter sa femme, chellamal donnait raison à son père. “Ma mère vociférait en permanence, je ne comprenais rien, je voulais qu’elle se taise” « mon père lui savait s’exprimer il était intégré, avait des amis, un métier ».  En évoquant ce souvenir, elle dit en pleurant « ma mère a beaucoup souffert, on l’a écrasé. » Elle se sent coupable d’avoir agi comme son père.

Elle passe toute son enfance avec son père à la maison ou à l’extérieur avec les amis du père. Elle croit être le “fils rêvé” de son père.

En classe elle regarde par la fenêtre pour fuir les questions de la maitresse, elle n’apprend pas. Elle préfère jouer au foot dans la cours de récréation.

En séance elle prend conscience qu’elle a la même attitude. Son doute inhibe sa pensée et ce qu’elle ressent. Elle répond souvent “je ne sais pas”

L’intégration sociale que représente l’école est vécu comme un échec, elle dit ne pas savoir se socialiser comme son père. A l’école elle est perçue comme une étrangère : son prénom, sa couleur de peau, sa mère qui vient la chercher à l’école avec habits hindoues lui donnent l’image de cette fille indienne qui n’a pas accès aux apprentissages scolaires.

Dans son processus d’identification, Chellamal assimile les traits de personnalité de la mère “bête et folle” qui appartient à la culture tamoule (qui n’est que soumission selon elle) et ceux d’un père “intègre et apprécié” des occidentaux, créant en elle un clivage du mauvais féminin et du bon masculin.

Elle obtient la reconnaissance du père en étant contre sa mère ce qui explique son comportement de rejet de sa mère.

A 16 ans, c’est la trahison. Son père lui annonce qu’elle sera mariée à un indien de famille respectable et qu’ils vont vivre en inde dans deux ans. Comme sa mère et comme sa sœur ainée, elle n’échappera à son destin. Elle perd l’illusion d’être le “fils rêvé” de son père et son père n’est pas ce “bon masculin occidentalisé”.

Chellamal se rebelle secrètement, elle fréquente un jeune garçon de son lycée, son futur compagnon. Ce garçon représente son lien avec cette culture qu’elle idéalise et qui laisse la fille libre de son destin.

Sa famille la séquestre, la frappe, lorsque celle-ci (parents et soeurs) découvre qu’elle a perdu sa virginité. C’est le déshonneur dans la famille. Chellamal baigne dans un climat de violence, d’abord bourreau comme son père puis maltraité comme sa mère. Dans les deux cas, elle est objet de la violence du père.

Elle doit repartir en Inde.  Ses parents se séparent, le père vit avec une nouvelle compagne, la mère est délaissée, Chellamal passe deux ans en inde puis à 18 ans elle rentre en France ou elle retrouve son amoureux. La famille se déchire et Chellamal n’est plus la priorité.

Malgré cette issue heureuse, le doute perdure, elle idéalise la famille de son compagnon, les filles travaillent dans la presse, la mère est enseignante et chellamal se sent à nouveau indigne en pensant à sa mère et aussi son père n’avait pas pu lui transmettre le savoir.  Elle est complexée et décide de cacher son malaise en prenant peu la parole.

L’évènement récent vécu avec son compagnon la confronte à nouveau à son malaise. Pendant la thérapie, elle aborde l’effet de son histoire sur la perception de son identité, elle interroge ce savoir qui serait du côté de la femme occidentale, libre et indépendante de l’homme.

En analysant son doute suscité par la trahison et l’humiliation de son compagnon, elle prend conscience que ses choix actuels ont été influencés par le modèle son père à savoir le métier (paysagiste), indépendance financière, les prises de décisions dans sa vie au foyer surement pour refouler sa crainte de devenir une femme objet.

Son doute persistant montre que la crainte contient un sentiment d’être réellement cette femme objet (d’abord perçue chez sa mère) que son compagnon aurait perçu chez elle puisqu’elle le croit attiré par la femme prostituée.

Elle interprète aussi ses accès de colère, comme étant les mêmes vociférations que sa mère, ne sachant plus si elle est bourreau comme son père ou victime de maltraitance sa mère.

Elle saisit alors la croyance qui guide sa vie : pour être une femme digne comme l’est la femme occidentale, comme le sont les filles de la famille de son compagnon, il faut être une femme dotée d’un savoir et d’un métier en lien avec le savoir alors la violence de la soumission n’est plus possible.

Pendant la thérapie, elle exprime le souhait de devenir instit, elle prend confiance en sa capacité à apprendre lorsqu’elle saisit que l’énergie psychique consacrée au doute (négation de sa culture d’origine) ne l’avait rendu pas disponible au plaisir d’apprendre. Le refus de ressembler à la femme tamoule « bête et folle », associée à la violence qu’elle voit infligé sur sa mère puis sur elle-même ont créé chez Chellamal une résistance pendant son développement la privant d’elle-même et des autres influences constructives pour son identité.

Elle exprime la colère contre son père d’avoir maltraitée sa mère et comprend que sa mère n’avait pas eu la possibilité de s’affranchir de sa condition. Etant enfermée depuis son plus jeune âge, elle n’a pas bénéficié d’autres modèles d’identifications dans sa vie. Chellamal dissocie la violence d’être réduite à l’état d’objet dans son histoire familiale de son identité.

Elle réalise aussi que sa rébellion contrairement à ses sœurs, est la preuve qu’elle n’était pas soumise, donc pas l’objet de l’homme, qu’elle avait par conséquent développé un esprit critique en remettant en cause le modèle parental.

Avec son compagnon, dégagée de la colère et du doute du passé, elle peut aborder le sujet de cette trahison pour comprendre cette fois ci l’acte de son compagnon. Elle comprend que le fait d’avoir fréquenté une prostituée n’avait aucun lien avec son histoire d’identité de femme. Son compagnon souhaitait découvrir une autre sexualité que celle du couple qu’il avait créé très jeune avec elle, mettant en doute ses performances sexuelles. Il a reconnu la trahison, ils ont fait la distinction entre un acte sexuel et une relation sentimentale.

Chellamal a retrouvé la confiance en recevant des preuves d’amour.

La thérapie s’arrête avec la réussite du concours d’instit. Elle sait qu’elle est capable de savoir. Elle a pu se saisir d’autres savoirs sur elle et sa culture d’origine, son environnement social à Paris dans lequel elle a grandi et qui participent aussi au processus d’identifications.

Elle s’est rapprochée de sa mère qui lui transmet les spécialités culinaires. Elle ne supporte toujours pas ses vociférations.

Elle a aujourd’hui deux enfants et transmet le savoir à ses élèves en zone Zep à la façon des pédagogies nouvelles. Plus que les connaissances, elle aime donner confiance aux enfants.

Myriam Ott

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