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La thérapie de Sandra : le trauma

Myriam Ott
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Histoires de thérapie
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4/3/2021

Sandra est une jeune femme de 38 ans, elle est directrice des ressources humaines dans un grand groupe immobilier. Elle se sent déprimée et vide, elle a perdu la passion dans sa vie professionnelle et amoureuse depuis deux ans.

Consulter un psychologue est un signe de faiblesse“ j’ai toujours été une battante et je n’ai jamais eu besoin d’aide, je ne veux surtout pas ressembler à ces gens dans la plainte et la complaisance ».

Sandra présente des signes de dépression (perte d’énergie, anhédonie, auto dévalorisation, désespoir). La dépression est toujours une réaction à une perte d’illusion. Chez Sandra c’est la perte de l’illusion de l’amour de soi que la passion venait nourrir.

Elle grandit avec son père. Sa mère a quitté le domicile quand elle avait trois ans. Elle la voit à l’occasion de week- end chez sa tante et son oncle. Elle dit ne pas avoir souffert de l’abandon de sa mère, sa tante l’a materné et elle s’est sentie aimée par son père.

Elle est fière de son père, un immigré espagnol qui a su se débrouiller dans la vie, il travaille dans le bâtiment. Le lien est solide, la communication est franche, pas de place pour les caprices et les pleurnicheries, elle rentre seule de l’école dès son plus jeune âge et attend à la maison le retour de son père. Sandra vit très bien avec cette exigence.

A l’âge de 9 ans, un évènement transforme sa vie. Elle raconte qu’elle est devenue adulte du jour au lendemain. Elle accompagne son père dans une boutique pour acheter. Au moment du règlement du vêtement, son père donne un chèque à la vendeuse en oubliant volontairement de le remplir. La vendeuse lui rend le chèque, Sandra perçoit chez la vendeuse un regard de pitié. Elle intercepte le chèque pour le remplir sans faire de remarques. Elle comprend que son père ne sait pas écrire.

Ni sur le chemin, ni plus tard, elle ne parlera pas de l’analphabétisme à son père. Elle a projeté chez la caissière, la pitié qu’elle a ressentie. Sandra décide de faire tout son possible pour ne jamais susciter ce sentiment.

Elle s’occupe des papiers, elle devient une excellente gestionnaire et ne demande aucune justification a son père qu’elle veut protéger.

Sandra fait de longues études.  Elle cumule des boulots alimentaires pour financer ses études, elle est autonome. Elle trouve un nouveau cercle d’amis à l’université. Elle change de milieu, elle est fière de représenter son milieu d’origine, c’est une revanche. Elle dit avoir atteint son ambition grâce à son tempérament de battante et beaucoup de chance.

Dans son travail, elle est reconnue pour sa combativité, elle est respectée.

Sandra est une très belle femme. Lorsque son chef la présente, il annonce avec fierté qu’elle est la plus belle de l’entreprise. Elle ne supporte pas qu’on mette en valeur sa beauté et refuse d’être à la merci du désir des hommes.

L’amour dans sa vie de femme rime avec passions destructrices. « En résistant aux hommes », dit-elle, « ils tombent amoureux, et se met en place le jeu de dominant-dominé ». Elle a vécu 3 ans avec un homme. Avec ce compagnon, plus qu’avec les précédents, la relation se vit dans le rapport de force permanent. Il lui reproche d’être une guerrière sans cœur. Elle est lasse du conflit mais n’y résiste pas. Elle évite les moments de tendresse qu’elle aime pourtant mais qui la rende vulnérable.

Elle refuse la sexualité, cache son corps, dort avec des pyjamas épais,

Elle remporte la victoire sur la relation en le quittant. Deux ans plus tard, la douleur de la rupture est toujours présente.

Au cours de la thérapie, elle fréquente un homme, gentil, tendre. Elle éprouve très vite de la pitié, elle le trouve naïf, sans ambitions, soumis à sa mère.  Elle culpabilise de l’utiliser comme un doudou pour bien dormir.

Sandra a des troubles de sommeil, elle a peur du cambriolage, d’être attaquée dans la nuit par surprise. Elle dort avec un revolver. Je lui explique que son côté battant à tout prix dans la vie et l’hypervigilance dans son sommeil parlent d’un même sentiment d’insécurité. Je fais le lien avec son urgence à grandir vite, qui montre aussi combien elle se sent menacée par les autres, refusant ainsi un lien d’attachement sécurisant.

Sandra fait l’expérience du lien thérapeutique, elle découvre qu’en livrant ses fragilités, elle n’est pas plus en danger, je ne la regarde pas en pitié, à l’inverse, la compréhension développe le sentiment de sécurité.

Pendant la thérapie, sa boite est rachetée et elle doit rejoindre une autre équipe sous l’autorité d’un autre DRH. Elle ne supporte pas de perdre son indépendance et ne reçoit pas le soutien de son supérieur. Elle veut changer de travail. Elle passe un entretien d’embauche après avoir été repérée par un chasseur de tête. Au retour de son premier entretien, elle dit « je ne sais pas me vendre, j’ai une fausse confiance en moi, je suis paralysée quand je suis face au recruteur qui est au- dessus ».  Son trac invalidant va déclencher un état de détresse qui va l’amener à lâcher le contrôle en thérapie et recevoir mon aide

Sandra confie pour la première fois son secret. Celui-ci va expliquer sa hantise de la pitié et son urgence à avancer vite pour devenir forte et indépendante.

Elle raconte sans émotions qu’elle a été violée par l’ami de sa mère à l’âge de 6ans, elle sait que le viol s’est produit plusieurs fois, six ou plus. Elle se souvient que l’agresseur venait pendant sa sieste les week-ends avec sa mère. Elle évoque des images floues, la chambre, le moment où il rentre dans la pièce, le plafond qu’elle fixe en attendant que le calvaire se termine.

La violence a un effet de sidération du psychisme qui entraine une anesthésie émotionnelle et physique. Il se créé un état dissociatif, une déconnection comme si la personne devenait spectatrice de la situation puisque qu’elle la perçoit sans émotions.

Enfant, elle aimait bien cet homme il était gentil avec elle et défendait la veuve et l’orphelin. Elle n’exprime aucune colère.

Il est important de savoir qu’elle refuse d’être une victime. Quelle violence de ressentir la faiblesse de la petite fille impuissante face à son agresseur ! La meilleure défense est de banaliser, de ne pas considérer cet homme comme l’agresseur sinon elle est victime, de devenir une guerrière pour survivre. Balzac dans son œuvre « peau chagrine » fait référence à la haine comme réponse au sentiment faiblesse. « La haine est tonique, elle fait vivre, elle inspire la vengeance mais la pitié tue, elle affaiblit notre faiblesse, c’est le mépris dans la tendresse »

Dans sa vie, toutes les situations susceptibles de la mettre en position de faiblesse déclenche la pitié puis la rage : L’entretien d’embauche, le sommeil, la relation amoureuse, la sexualité, le besoin d’aide, la situation hiérarchique, sa beauté, l’analphabétisme de son père.

La thérapie crée l’apaisement chez Sandra quand elle comprend combien elle ressent de la pitié pour la petite fille de 6 ans. Elle comprend aussi qu’elle était trop petite pour se protéger, qu’elle a protégé les adultes avec son silence. Elle peut alors se connecter à sa colère contre cet homme qu’elle trouve minable et contre sa mère qui n’a pas voulu voir. Ses larmes sont devenues l’expression de la tristesse pour l’enfant et non de la pitié. C’est par la compréhension qu’elle libère la petite fille retrouvant ainsi l’amour de soi. Elle déménage à l’occasion d’une opportunité professionnelle. Avec ce changement, elle quitte l’urgence d’avancer. Son propre rythme plus calme lui donne la satisfaction de trouver sa sécurité psychologique, le sommeil. Elle aime sa sensibilité dans l’affection qui la lie à ses amies, ses grands-parents, les animaux. Elle aime toujours autant son indépendance et sa force de combativité mais plus à tout prix, elle sait qu’elle a confondu passion et survie.

Elle peut arrêter de survivre pour vivre enfin !


Myriam Ott

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